Lutter contre les violences sexuelles

Florence Dutruc-Rosset, Julie Rouvière – À partir de 5 ans

C’est l’histoire d’une petite princesse profondément blessée par le roi, son père, qui croit avoir tous les droits, y compris sur le corps et le cœur de sa fille.

Les mots de Florence Dutruc-Rosset

« En tant qu’autrice et rédactrice en chef de magazines jeunesse depuis de nombreuses années, j’ai beaucoup travaillé sur l’Enfance. Avec mon dernier album, « La princesse sans bouche », j’ai voulu parler du sujet le plus grave, le plus incompréhensible et le plus destructeur parmi les maltraitances que les enfants peuvent subir : les violences sexuelles.

Les enfants sont bien plus victimes de ces violences que ce que l’on aimerait penser : 1 fille sur 5 et 1 garçon sur 13 selon l’OMS. Certes, les langues se délient depuis quelques temps, et c’est une très bonne chose, mais le tabou est encore puissant concernant les violences sexuelles intra-familiales : l’inceste. Et pourtant, les chiffres sont là : 80% des violences sexuelles faites aux enfants sont commises par la famille et les proches. Et environ 61% serait le fait du père.

C’est évidemment inconcevable qu’un père puisse détruire son propre enfant de la sorte ! La cellule familiale est censée être rassurante et porteuse de belles valeurs pour qu’un enfant puisse se construire normalement (heureusement, c’est majoritairement le cas). Mais même si c’est difficile à croire, refuser de voir et se taire, c’est protéger les agresseurs et ne pas secourir les enfants. Et je suis trop sensible à la vulnérabilité et la souffrance des enfants, dans l’incapacité de se défendre, pour me taire.

La fiction étant un vecteur idéal pour entrer dans l’expérience et partager des ressentis entre humains, j’ai choisi une nouvelle fois de raconter une histoire pour parler aux enfants des violences sexuelles. Pourquoi le conte ? Parce qu’il offre des images symboliques qui parlent au plus profond de soi, et parce qu’il permet le petit recul nécessaire pour aborder ce sujet délicat, sans que les lecteurs soient absorbés dans un réalisme trop brutal.

Le père est un roi, aveuglé par son désir de toute-puissance, et l’enfant est une petite princesse dont la bouche disparaît à mesure qu’elle est enfermée dans le silence. J’aime penser que ce conte s’inscrit dans la tradition de « Peau d’Âne ». « La princesse sans bouche » porte cette aspiration universelle. Il est des vérités douloureuses dans le monde que l’humanité doit connaître pour pouvoir y mettre fin.

Ce conte permet de prévenir tous les enfants que les violences sexuelles intra-familiales existent et que c’est interdit par la loi, il permet de leur dire qu’ils ne sont jamais coupables du mal qui leur est fait, qu’ils sont précieux et le resteront toujours.

Pour les enfants victimes, ce conte montre qu’un chemin de guérison est toujours possible. La reconstruction passe par l’amour : prendre soin de sa blessure avec l’aide de personnes bienveillantes, voilà le secret ! Certes, le chemin peut être long, mais l’amour au fond de soi est plus fort que la violence et la destruction.

Je comprends très bien que les adultes aient du mal à parler aux enfants des violences sexuelles, de peur de les heurter, surtout au sein de la famille. C’est pourquoi j’ai essayé de trouver les mots les plus justes, dans la partie « conseils » à la fin du livre, pour les aider à ouvrir le dialogue. Les enfants peuvent entendre les choses de façon plus naturelle que nous, adultes, qui avons intégré la notion de perversion sexuelle.

Mon souhait le plus cher, c’est que, à l’image de la princesse sans bouche qui retrouve un jour sa capacité à parler, les enfants puissent croire en leurs ressources, quelle que soit l’épreuve qu’ils aient à traverser dans leur vie, et qu’ils sachent que la parole et l’amour seront toujours leurs meilleurs alliés vers la résilience. C’est dans cet esprit que j’ai écrit cette histoire, en espérant qu’il fera écho à toutes les personnes qui la liront aux enfants. En parler, c’est ne plus laisser les agresseurs dans l’impunité et c’est protéger les enfants ! »


Cet album est publié avec le soutien de Mélanie Dupont, psychologue (unité médico-judiciaire, Hôtel-Dieu), AP-HP, présidente de l’association Centre de victimologie pour mineurs.



Florence Dutruc-Rosset a écrit une trentaine de livres jeunesse dont 15 romans de la collection C’est la vie Lulu, à Bayard Editions. Lulu est un personnage du magazine Astrapi dont elle a été rédactrice en chef. Elle est aujourd’hui rédactrice en chef des magazines « Les Belles Histoires » et « Mes Premières Belles Histoires ». Elle vit en région parisienne.

Julie Rouvière a suivi les cours de l’école « L’atelier » puis a commencé à travailler dans le dessin animé en tant que coloriste et à illustrer des livres jeunesse. À partir de 2013, elle s’est partagé entre les voyages, des expositions collectives (Paris, Saint Pétersbourg…), tout en continuant l’illustration. Depuis 2019, elle travaille sur une adaptation de Peter Pan en BD. Elle habite à La Rochelle.

Sur le même thème

« J’aime mon corps » de Nikki Luna, Julienne Davidas – « Le secret de Soro » de Charline Le Maguet